Jeudi 24 avril 2110
Très franchement, si je n’ai pas le droit de regarder ce que cette personne veut me faire manger, je n’y toucherais pas. C’est vrai que… je ne regardais pas les aliments qu’on me donnait avant. C’est comme ça que je me retrouvais dans des états comme celui dans lequel Aiji m’a retrouvé un jour. Le jour de notre premier baiser…
Je sens que mes joues chauffent un peu quand je pense à ça. C’est bi-...
Oh !! Va pas faire l’amoureux en manque !!!Quel crétin…Lis la situation !!!Shan est étrange.
Il est un peu plus calme qu’avant. Pourtant, il continue de me dire que je fais mal les choses. C’est moins douloureux, je dirais.
Mon attention va à celui qui est avec moi sur le canapé. Il veut bien que je regarde, ce que j’apprécie vraiment. J’ai faim et ça m’aurait énervé de ne pas pouvoir profiter au moins un peu. Contrairement à ce qu’on nous sert à l’école, je vais pouvoir voir s’il n’y a pas “des bonbons qui font des effets bizarres sur le cerveau”. Je ne me rappelle pas de tout ce qu’il s’est passé ce jour-là, mais l’explication de Aiji m’a marqué. Je ne comprenais pas avant d’y avoir beaucoup réfléchi et, surtout, avant de savoir que mes “parents” sont en fait des monstres.
Monte pas sur tes grands ch’vaux !!Reste à ta place !!!!Shan a raison.
Je suis en train de prendre un peu trop confiance. Pourtant, je n’arrive pas à penser autrement. En plus de ça, quand je prétends pour moi-même que je me fiche pas mal de ne pas avoir droit à un festin, je ne mens pas. Je suis déjà tellement content de profiter d’avoir un petit quelque chose sous la dent. Je ne mange pas beaucoup parce que maintenant j’ai peur de ce qu’on me donne, mais ça ne veut pas dire que je n’aime pas manger.
Je soupire un peu en allant à la cuisine. Shan m’insulte et répond à chacun de mes commentaires. Heureusement, j’arrive encore à me concentrer, pas comme avant.
Dans la cuisine, je surveille tout ce que fait Vladimir. Quand il met les pommes de terre dans la casserole d’eau. Quand c’est de la viande dans la poêle. Quand il surveille la cuisson sans faire autre chose, je lui demande si je l’ai réveillé.
Je sursaute.
Chochotte !!Tu m’fait honte !!!Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il se mette à rire comme ça…
Je sens qu’il ne se moque pas. Je sens qu’il ne veut pas me faire du mal. Je l’entends. Ce n’est pas comme les rires que je peux percevoir à l’école devant moi ou venant des monstres. Pas même comme Shan. Alors, ça va maintenant. En plus, il me dit que je ne l’ai pas réveillé, que ce n’était tout simplement pas possible puisqu’il venait de rentrer chez lui.
Je le regarde. Je crois que je veux comprendre cette personne… Je l’écoute aussi me parler. Je ne comprends pas tout, mais je saisie ce que je veux savoir.
Et tu l’crois ?!!T’es vraiment qu’un pauvre naïf !!J’hésite.
Un moment.
Mais je finis par avouer avant de subir des cris venant de l’intéressé :
Shan te crois pas. Moi si, mais Shan me dit qu’il faut pas que j’te crois.
Il ne l’a pas dit comme ça, mais entre les lignes c’était son message. Il n’y a aucun doute à avoir à ce sujet.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre. Je pense à quelque chose au sujet du sommeil et j’aimerais simplement le verbaliser :
Moi, j’arrive pas à bien dormir la nuit, sauf quand je suis dans les bras de Aiji. Aiji, c’est la personne que j’aime le plus. Mmh… Pas comme les monstres m’aimaient… Enfin… … C’est quoi l’amour en vrai ?
Quand mes “parents” me montraient leur amour, ça faisait mal. Comme lorsque le directeur m’a fait la même chose. Aiji avait appelé ça comment, déjà ? … Je ne me rappelle plus et j’essuie de nouvelles injures venant de Shan à cause de ça…
Et quand Aiji me parle d’amour, ça me fait plaisir. Quand il est avec moi, je n’ai pas peur. Au contraire, j’aime tout ce qui vient de lui.
Tous, sauf le directeur, me disent qu’ils m’aiment mais ce n’est pas pareil. Alors, c’est quoi l’amour ?